Sexual Violence Against Men in France. Pathways of Violence and Age Relation
Les violences sexuelles subies par les hommes en France
Résumé
This thesis analyses the sexual violence suffered by men in France, an underexplored subject whose analysis has been made possible by recent feminist mobilisations and surveys. The main objective is to better understand of gender-based violence by studying men’s experiences through a biographical approach and an in-depth analysis of power relation, particularly in relation to age and gender, but also sexuality and class. This research is based on a mixed methodology using the Virage and CSF surveys, combined with fifty biographical interviews conducted with Virage respondents. Analyses are interwoven and sequential, making it possible to explore both the men’s life courses and the contextual dynamics of this violence, by integrating temporality.
As a result, 3.1% of men report sexual violence in their lifetime, the majority of them before the age of 25 or even 18. Nearly 90% of men who have experienced sexual violence state that it was perpetrated by men, typically older than themselves. The highlights the importance of mechanisms of domination within the family institution, particularly in trivialisation of violence and its silencing. It highlights that violence is a factor of vulnerability in the life course, particularly in terms of health, sexuality and interpersonal relationships. Moreover, non-heterosexual men are more exposed to violence – especially those who identify themselves as bisexual – and to its silencing, due in particular to structural homophobia. This research also highlights the particular relations to gender norms, sexuality and conjugality of men who report violence. These men position themselves less unequally than men as a whole in the space of masculinities, highlighting an opposition between hegemonic egalitarian and conservative masculinities.
The biographical approach is replicated to theorise “pathways of violence”, with several trajectories: exposure, silencing, qualification and enunciation. These trajectories make it possible to analyse the dynamic changes in power relations, both during violence and once it has ended. After isolating six typical trajectories of exposure, two groups stand out: men who experienced violence at a (very) young age and/or on a cumulative basis, particularly within the family or close social circle; and those who experienced it in adolescence or during their youth, in contexts of school, male sociability and entry into sexuality.
In the first case, gender and adult domination play a significant role in the experience of men who were children at the time of the incident. This violence is particularly marked by repetition and accumulation of sexual violence, but also with other forms of violence, which contribute to making boys more vulnerable to sexual violence. In addition, strong ties with perpetrators, particularly within the family, play a major role in silencing violence. In this context, it takes a long time for the qualification of violence as such – even longer for the oldest generations – and it is considered as a “second violence”. Speaking out becomes central once the violence has been qualified, particularly within the family. However, the reception of this voice depends on masculinities issues and sexual identification: men who identify as gay are less believed, supported and held responsible than those who identify as heterosexual.
On the other hand, those who have experienced violence in adolescence or youth seem to have less marked life courses in the long term, although these life courses are also affected by violence. Post-interview qualification, violence perceived as less serious, thanks in particular to an accumulation of knowledge about sexuality and violence, and better detection of situations at risk of violence are all hypotheses that explain the absence of qualification and/or the absence of significant marks on life courses.
Cette thèse analyse les violences sexuelles subies par les hommes en France, un objet peu exploité mais dont l’analyse est rendue possible grâce aux mobilisations féministes et aux enquêtes récentes. L’objectif principal est de mieux comprendre les violences de genre, grâce à l’analyse des expériences masculines à travers une approche biographique et une analyse approfondie des rapports d’âge et de genre, mais aussi de sexualité et de classe. Elle s’appuie sur une méthodologie mixte mobilisant les enquêtes Virage et CSF, articulées à cinquante entretiens biographiques menés avec des répondants à Virage. Elle permet d’explorer les parcours de vie des hommes et les parcours de violences.
Ainsi, 3,1 % des hommes déclarent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, la majorité d’entre eux ayant été victimes avant l’âge de 25 ans, voire 18 ans. Près de 90 % des hommes ayant vécu des violences sexuelles indiquent qu’elles ont été perpétrées par d’autres hommes, plus âgés. L’analyse montre l’importance des mécanismes de domination au sein de l’institution familiale, en particulier dans la banalisation des violences et leur silenciation. Elle souligne que les violences constituent des facteurs de vulnérabilité dans les parcours de vie, en particulier sur la trajectoire de santé, la trajectoire sexuelle et dans les relations interpersonnelles. Par ailleurs, les hommes non hétérosexuels – d’autant plus ceux qui s’identifient comme bisexuels – sont plus exposés aux violences, et à leur silenciation, en raison de l’homophobie structurelle. À partir de CSF, j’ai proposé une analyse configurationnelle : un espace social des masculinités, qui oppose une masculinité hégémonique conservatrice à une masculinité hégémonique égalitariste. Les hommes qui déclarent des violences s’y positionnent de manière moins inégalitaire que ceux qui n’en déclarent pas.
L’approche biographique permet d’explorer les « parcours de violences », constitués de plusieurs trajectoires : exposition, silenciation, qualification et énonciation. Ces dernières permettent d’analyser les évolutions dynamiques des rapports de pouvoir, durant les violences comme lorsqu’elles ont pris fin. Après avoir isolé six trajectoires-types d’exposition, deux groupes se distinguent : les hommes ayant vécu des violences (très) jeunes et/ou cumulées, notamment au sein de la famille ou de l’entourage proche ; et ceux qui les ont subies à l’adolescence ou durant la jeunesse, dans des contextes scolaires, de sociabilités masculines et d’entrées dans la sexualité. Dans le premier cas, le genre et la domination adulte s’articulent de manière prégnante dans l’expérience des hommes, qui étaient enfants au moment des faits. En outre, les liens forts avec les auteurs, en particulier dans l’institution familiale, jouent un rôle prépondérant dans la silenciation des violences. Dans ce contexte, la qualification est tardive – c’est d’autant plus le cas pour les générations anciennes – et considérée comme une « deuxième violence ». L’énonciation devient centrale une fois les violences qualifiées, en particulier auprès de la famille. Or, la réception de cette parole est dépendante des enjeux de masculinités comme de l’identification sexuelle ; les hommes qui s’identifient comme gays sont moins pris au sérieux et moins soutenus, voire responsabilisés. En revanche, ceux ayant vécu des violences à l’adolescence ou dans leur jeunesse semblent moins marqués à long terme, bien que leurs parcours de vie soient également affectés par les violences. L’absence de qualification et/ou de marques importantes dans les parcours de vie pourrait s’expliquer par une potentielle qualification post-entretien, des violences perçues comme moins graves, notamment grâce à une accumulation de connaissances sur la sexualité et les violences, un repérage des situations à risque.